27.5.06

SECURITE INSECURITE SURETE

SURETE SECURITE INSECURITE

L’importance que revêt aujourd’hui la sécurité, ou plutôt l’insécurité, m’a amené à me poser la question si au moins au sens juridique les mots « sûreté » et « sécurité » avaient des sens différents et car l’importance de ces idées est fondamentale : La société politique est sensée instituée pour assurer aux êtres humains la « sûreté » et la « sécurité ».

L’article 3 du Code Civil parle de « loi de (…) sûreté » qui sont applicables à tous en France et donc aux étrangers.

Mais qu’est-ce qu’une loi de « sûreté » ? Et le concept de « sûreté » est-il différent de celui de « sécurité » ?

Ni le latin, ni l’italien ne distinguent « sûreté » de « sécurité », « securitas » et « sicurezza » et, en français, l’étymologie commune des deux termes dont le deuxième semble avoir été pris à l’anglais plus qu’au latin nous avertit que le sens doit être très voisin. Ce qui n’est pas le cas en anglais où l’étymologie de « safety » (sûreté) est différente de celle de « sécurity » « sécurité ». To be safe, c’est l’idée d’être sauf d’avoir échappé à un danger, to be secure, c’est n’être menacé par aucun danger.

Locke dans son deuxième Traité du Gouvernement civil distingue bien « le pouvoir fait retour au peuple, qui a le droit de reprendre sa liberté originelle et d'établir telle législature nouvelle que bon lui semble pour assurer sa sûreté et sa sécurité, qui sont la fin qu'il poursuit dans l'état social. » (« Deuxième Traité du Gouvernement civil » de 1690 http://hypo.ge.ch/www/cliotexte/html/royaume-uni.locke.html traduction Gilson Vrin éd.) Soit en anglais « have a right to resume their original liberty, and, by the establishment of a new legislative, (such as they shall think fit) provide for their own safety and security, which is the end for which they are in society.» Ch. “Of Political or civil society” du site http://constitution.org/jl/2ndtreat.htm

En réalité en français on aura quelques difficultés à distinguer “sûreté » de « sécurité »

Certes l’Association Henri Capitant dans son « vocabulaire juridique » distingue « sûreté » de « sécurité »

IV Asso. H. Capitant :

« Sûreté : pour chaque citoyen (on précise parfois sûreté individuelle)

a) garantie contre les arrestations, détentions et peines arbitraires
b) garantie de la liberté individuelle qui consiste dans la protection accordée par la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses droits et de sa propriété (déclaration de 1793 art. 8) »

par extension : la protection dont l’Etat se couvre (sûreté de l’Etat), celle qu’il organise (sûreté publique)

SÉCURITÉ : « situation de celui (…) qui est à l’abri des risques (s’agissant des risques concrets : agressions, accidents…) état qui peut concerner une personne (sécurité individuelle), un groupe (sécurité publique) Par extension : prévention de tels risques mesures et moyens de protection tendant à prévenir la réalisation de ces risques, ensemble de précautions incombant à certaines personnes envers d’autres.
Compensation des risques réalisés, mesure tendant à compenser, chez la victime, la réalisation des risques. (Sécurité Sociale)Toute garantie tout système juridique de protection tendant à assurer, sans surprise, la bonne exécution des obligations, à exclure ou au moins à réduire l’incertitude dans la réalisation du droit.
Sécurité de l’emploi, sécurité du travail »

Ainsi la sûreté serait une garantie, une action qui incomberait aux autorités, la sécurité un état de celui qui n’est menacé par rien. Le premier terme est dynamique, suppose une action au moins éventuelle, le deuxième exprime un état.

De fait le mot « sûreté » a tendance a disparaître du vocabulaire juridique ou, plus exactement, à se cantonner à un rôle modeste et désigner la « sûreté » une garantie du droit des affaires. C’est la garantie « accordée au créancier contre les risques d’insolvabilité du débiteur » (définition donnée par Alex Weill – précis Dalloz 1979 « Les Sûretés ».) C’est un peu dommage car cette notion pouvait évoquer une action des individus contre les autorités publiques qui n’assureraient pas, par hypothèse sa « sûreté ». Jusqu’au début du XXème siècle pourtant il était très noble, ce terme, il est resté dans des déclaration des droits de l'homme.

Alors que l’insécurité, c’est un état que l’on subit, une fatalité. Si lorsque je sors dans la rue, je ne suis pas assuré de rentrer chez moi sain et sauf, ni même chez moi, maintenant, de le rester, c’est la faute à pas de chance, si en revanche la société, dont les autorités sont les représentantes me doivent la sûreté, je peux bien leur demander des comptes, au moins si elles n’assurent pas la répression.

Vous vous en doutez bien il y aurait tant de choses à dire sur la sécurité, l’insécurité, la sûreté puisque la « sûreté » est mentionnée dans les déclarations des droits de l’homme, avec cette tendance pour « sûreté » à céder la place à « sécurité » (de 1789 à la Convention Européenne des Droits de l’Homme). L’ONU a pour but la « paix », qu’elle veut assurer par la « sécurité », sa devise est « Paix et Sécurité » j’y reviendrai, si possible, car la question est centrale puisque depuis peu on parle de « sécurité juridique » et que la sécurité et sa négation « l’insécurité » envahissent notre vie sociale dont la sécurité est un des principes selon les textes fondateurs.

Mais qui a dit que la « sécurité » est assurée surtout par l’amour que les hommes se portent entre eux ? S’ils s’aiment, ils seront en sécurité.

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