17.8.12

Le laïcisme pose de vraies questions mais y répond mal

Le laïcisme prétend que les religions n'ont rien à dire dans l'espace public parce que l'espace public n'est pas l'espace de la croyance. Le principe selon lequel l'espace public n'est pas l'espace de la croyance (en ce sens que le valeurs d'organisation sociale ne peuvent être tirés d'une foi) est vrai. En revanche la conclusion est abusive. Les religions peuvent et doivent donner leur avis mais en invoquant la raison et non leur croyances.


La Commission théologique internationale sur la question de l'organisation politique, des valeurs fondamentales de la politique a un texte intitulé "A la recherche d'une éthique universelle. Nouveau regard sur la loi naturelle". Dans son § 86 elle traite de cette question qui donne en partie raison au laïciste et dénonce aussi son sophisme. Je paraphrase ce texte :


L'homme est un animal social et cela lui est naturel. En conséquence, il s'organise en société politique en vue du bien de tous et de chacun. La loi naturelle fournit une norme à l'ordre politique. Cette loi naturelle contient l'ensemble des valeurs humaines qui rendront la société plus humaine (la loi naturelle est un fondement et un but pour la société). Ces valeurs doivent être communes à tous, et seule la loi naturelle porteuse de ces valeurs universelles est commune à tous. La communauté de ces valeurs exclut qu'elles soient privées, idéologiques ou confessionnelles, elles ne peuvent concerner tous les citoyens que si elles sont publiques et universelles, donc non-confessionnelles, mais aussi non-idéologiques et non-privées. Ce qui exclut que j'impose mes idées personnelles ou qu'un groupe impose ses idées particulières.

En conséquence, personne n'a de titre à interdire à un groupe religieux de s'exprimer en s'adressant à l'ensemble de la société politique, dès lors que ce groupe le fait au nom de la raison. C'est l'ordre public.

Or le cardinal Vingt-Trois dans le texte de sa prière du 15 août 2012 invoque des données de la raison et non de la foi pour intervenir dans le débat sur la dénaturation du mariage.

Voici en effet le texte incriminé par les laïcistes :


«3 Pour les familles ; que leur attente légitime d'un soutien de la société ne soit pas déçue ; que leurs membres se soutiennent avec fidélité et tendresse tout au long de leur existence, particulièrement dans les moments douloureux. Que l'engagement des époux l'un envers l'autre et envers leurs enfants soient un signe de la fidélité de l'amour.

 4. Pour les enfants et les jeunes ; que tous nous aidions chacun à découvrir son propre chemin pour progresser vers le bonheur ; qu'ils cessent d'être les objets des désirs et des conflits des adultes pour bénéficier pleinement de l'amour d'un père et d'une mère. Seigneur notre Dieu, nous te confions l'avenir de notre pays. »

Figurines révolutionnaires en porcelaine : allégories de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Musée de la Révolution français (Vizille).



Il n'y a rien dans tout cela de contraire à la raison, ni dans les principes, ni dans les conclusions. Il n'existe aucun motif de droit naturel d'interdire une telle prière. Mais les revendications laïcistes réclamant la censure découvrent leur erreur de raisonnement. Elles demandent l'interdiction de l'intervention politique du cardinal en raison de la séparation des domaines (dont ils se font un principe). Or un chef religieux peut intervenir en tant que chef religieux s'il invoque des motifs rationnels. La religion n'est pas une maladie contagieuse dont il faudrait maintenir les adeptes en quarantaine dans l'espace public dès lors qu'ils s'expriment en tant que croyants. La pensée laïciste est discriminante, d'une discrimination fondée sur un critère illégitime. Tout homme a le droit de s'exprimer dans l'espace public, du moment qu'il invoque la raison universelle de l'homme.

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