16.8.15

Enivrez-vous, oui, mais de quoi ?

Petit poème en prose de Baudelaire intitulé Enivrez-vous :

« Il faut être toujours ivre. Tout est là: c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi? De vin, de poésie, de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est; et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront: "Il est l'heure de s'enivrer! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous; enivrez-vous sans cesse! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise." »
La Force vertu cardinale. Figurine révolutionnaire (Musée de la Révolution Vizille)



Il ne faut pas prendre les conseils de notre sulfureux et toxicomane poète au pied de la lettre. L'ivresse du vin ou de la drogue conduit à une impasse, au contraire de l'ivresse, au désespoir qui nous terrasse.

Il faut s'enivrer de la vertu d'espérance. C'est la vertu qui ressemble à l'ivresse. Elle entraîne une autre ivresse qui est celle de l'amour. Nous y trouverons l'éternité qui, seule, peut anéantir l'empire du temps.

2 commentaires:

Martial a dit…

Ce poème est vraiment magnifique ! Il est vrai que s'enivrer de vin rabaisse la personne humaine en-dessous de sa dignité.
Mais à lire entre les lignes, on découvre que notre malheureux poète recherche non pas l'enivrement "physique" mais la passion au sens noble du terme.
"Rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion" disait Hegel
Et la passion pour le Bien, pour la pratique de la vertu, n'est-ce pas là l'enivrement spirituel ?

Unknown a dit…

À vrai dire, j'ai encore commis un larcin intellectuel parce que je crois bien avoir lu sous la plume de Benoît XVI que le vin est l'image de l'espérance, car il enivre, comme l'espérance enivre.

Vérité à ne pas donner à toutes les cervelles, car la toxicomanie et l'alcoolisme sont à éviter comme des fléaux sociaux.

Baudelaire avait dû reprendre ce thème de l'enivrement par l'espérance, lui il conseille de s'enivrer de beauté et de poésie. Baudelaire qui usait du H, est mort prématurément et aphasique (il ne prononçait plus que ces mots "cré nom, cré nom". Il ne produisait plus rien, alors qu'il avait écrit des poèmes si profonds qu'ils coupent le souffle.