L’affaire Burgaud du nom du magistrat qui va être traduit devant le Conseil Supérieur de la Magistrature agite le monde médiatique et la France.
On trouvera ci-dessous le lien vers la dépêche retranscrite par Yahoo sur cette épineuse question.
http://fr.news.yahoo.com/12062006/290/controverse-sur-les-poursuites-contre-le-juge-fabrice-burgaud.html
Ses collègues du Union Syndicale de la Magistrature (moins à gauche que le Syndicat de la Magistrature) pensent que l’on a choisi la méthode du « bouc émissaire » en poursuivant Monsieur Burgaud et son collègue le Procureur Lesigne.
S’il s’agit de boucs émissaires, ils portent tous les péchés des magistrats, alors. Dans le fond, ce n’est pas entièrement faux puisque plusieurs dizaines de magistrats se sont penchés sur cette affaire où un prêtre et une militante catholique avaient été mis en prison, avec délectation (« il faudra qu’elle aille mettre plusieurs cierges, si elle veut s’en sortir » avait ironisé l’un d’entre eux) Elle avait dû les mettre les cierges, car elle s’en est sortie, mais eux qui se croyaient à l’abri…
Lévitique ch. XIX
« 12 Vous ne jurerez point par mon nom, en mentant, car tu profanerais le nom de ton Dieu. Je suis Yahweh. (…)
15 Vous ne commettrez pas d'injustice dans le jugement : tu n'auras pas de faveur pour le pauvre, et tu n'auras pas de complaisance pour le puissant ; mais tu jugeras ton prochain selon la justice.
16 Tu n'iras pas semant la diffamation parmi ton peuple. (…) »
Bible, traduction Crampon du site jesumarie.com
Il semble bien que Dieu lui-même commande une certaine morale aux juges, il leur demande
l’égalité dans le traitement des hommes.
Il faudra qu’il y ait un jour un jugement des juges. Dans l’autre monde, cela ne nous regarde pas, mais ici-bas : doit-on juger les juges ? Ce n'est pas évident. Sinon on arrive au procès du procès et comme cela à l'infini.
En raison du principe d’égalité des être humains, il est bien évident qu’à un certain moment, le contentieux doit s’arrêter, le juge dit le droit, il tranche, bien ou mal un litige, mais on ne peut concevoir d’éternels contentieux contre les juges. Sinon la fonction du juge qui est surtout de mettre fin aux conflits, le plus justement possible, devient impossible à exercer.
C’est à peu près ce qu’explique l’article L781-1 du Code de l’Organisation Judiciaire.
« L'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.
La responsabilité des juges, à raison de leur faute personnelle, est régie par le statut de la magistrature en ce qui concerne les magistrats du corps judiciaire (…).
L'Etat garantit les victimes des dommages causés par les fautes personnelles des juges et autres magistrats, sauf son recours contre ces derniers.
Toutefois, les règles de l'article 505 du Code de procédure civile [relatif à la prise à partie] continuent à recevoir application jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions législatives concernant la responsabilité des magistrats à raison de leur faute personnelle. »
L’article 505 du Code de procédure civile est celui qui traite de la « prise à partie » du juge. La partie déçue prend le juge comme partie d’un nouveau procès contre le juge. En pratique, il y faut une faute lourde de malhonnêteté ou de négligence délibérée (déni de justice, c’est-à-dire refus de rendre la justice, "s'en laver les mains")
Cette prise à partie est pratiquement impossible
Article 510 du Code de Procédure Civile :
« Néanmoins, aucun magistrat ne pourra être pris à partie sans une autorisation préalable du premier président, qui statuera après avoir pris l'avis du procureur général.
En cas de refus qui sera motivé, la partie plaignante pourra saisir la chambre civile de la Cour de cassation ; elle sera dispensée du ministère d'un avocat. Si elle succombe, elle sera condamnée au paiement de l'amende prévue à l'article 29 de la loi nº 47-1366 du 23 juillet 1947. »
Dans l’affaire d’Outreau, les victimes qui ont été indemnisées ne se sont pas pourvues selon la procédure de la prise à partie, alors qu’il y aurait eu matière, sauf que s'agissant de juridiction pénale, cela ne semble pas possible.
De plus, lorsqu’on voit comment réagissent les magistrats, le tollé que suscite chez eux la décision du garde des sceaux de déférer Monsieur Burgaud devant le Conseil Supérieur de la Magistrature, on ne voit pas le premier président d’une cour d’appel autoriser un avocat à poursuivre, puis en cas de refus, se pourvoir devant la Cour de Cassation, au risque de voir condamné son client, en plus de tous les malheurs qu’il aura subi.
Donc, en pratique aujourd’hui les victimes d’erreurs judiciaires (du moins les victimes pénales qui ont été emprisonnées) sont indemnisées et puis on en reste-là. Les magistrats continuent leurs carrières.
Faut-il instaurer une responsabilité pécuniaire réelle des magistrats et donc supprimer la « prise à partie » en la remplaçant par une procédure plus réaliste ?
En instaurant la responsabilité des magistrats on instaurerait pour eux une obligation de s’assurer, mais seules les fautes du genre d’inattentions, de négligences légères, d’ignorances pas trop coupable, pourront être assurées. Il est impossible de s’assurer contre les suites d’une faute crapuleuse.
Certes la morgue, l’outrecuidance, voire la violence de certains magistrats (d’autres sont urbains…) excite à la colère. J’ai moi-même été mis à la porte à plus cinquante ans, d’une salle d’audience, dans une affaire où les débats sont oraux car le juge hurlait que je n’y entendais rien, et il n’a pas voulu m’écouter… Tout le monde était terrorisé. Naturellement l’adversaire a eu le plein de sa demande.
Encore si la morgue était à la mesure de leur compétence, de leur intelligence on comprendrait, ce n’est malheureusement pas le cas. Les plus violents ne sont pas les plus intelligents.
Bref, le métier de magistrat est un métier dangereux, où l’on se dévoue pour le bien commun parfois au risque de sa vie. C’est pourquoi, les magistrats ont droit à notre respect et à notre reconnaissance et à notre indulgence. Mais il ne faut pas en abuser, de ce droit.
Une responsabilité pécuniaire modérée dans les cas les plus graves (avec indemnisation par l’Etat, mais avec franchise par exemple) ne serait pas inenvisageable.
Mais surtout, surtout comme le disait, si mes souvenirs sont bons, Maître Dupont-Moretti lors de sa déposition devant la commission parlementaire, il faudrait un changement de mentalité. Donc un changement dans la formation, car ce qui compte ce ne sont pas les institutions, ce sont les hommes, leurs morales, leurs consciences, leurs formations intellectuelles et morales.
Et en matière de formation morale, je vois surtout la formation à l’idée que tous les hommes sont égaux, fondamentalement égaux, que l’on doit respecter la dignité de chacun et de tous. Ces idées banales n’entrent pas dans les références intellectuelles de trop nombreux magistrats, ou plutôt, ils les confessent en théorie et les oublient au profit de l’idée qu’ils ont la science et qu’ils ont une mission idéologique à imposer à leurs frères inférieurs.
Un juge qui aura écouté, qui aura respecté son interlocuteur, qui aura cherché la vérité sans préjugé, on lui pardonnera une erreur d’appréciation, laquelle sera d’ailleurs beaucoup moins fréquente, il ne sera alors plus question de jugement des juges.
Cela me rappelle le Président Fayolle, un magistrat scrupuleux et urbain qui disait à l’issue de sa carrière, qu’il pensait que la Cour d’Assises qu’il présidait n’avait jamais condamné d’innocent. Il est vrai que les débats avec lui étaient très sereins. Il laissait tout le monde s’exprimer et parlait avec douceur, même à ceux qui étaient soupçonnés des pires crimes. Il avait parfaitement intégré le principe de l’égalité de tous les être humains.
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1 commentaire:
J'essaie à nouveau de poster un commentaire....
L'affaire que vous mentionnez est vraiment épouvantable. Mais il me semble qu'on ne peut nier que le juge Burgaud a commis de lourdes erreurs. Il a cru ce que lui racontait cette horrible Badaoui, et n'a pas vraiment vérifié ses dires. Et il devrait au moins recevoir un blâme. Je dois dire que si je me trouvais impliquée dans un problème grave, je n'aimerais pas du tout avoir affaire à lui. Je ne crois plus guère en la justice française !
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