16.4.13

Joseph Malaigue un "Proust catholique" ? Mais Proust était un catholique militant !

Le Pape François a utilisé, selon monsieur Daoudal, l'expression de « classe moyenne de la sainteté » qui est de Joseph Malaigue, un écrivain français mort en 1940.

On le surnomme "Le Proust catholique".

Mais Proust était catholique ! Or il n'y a pas de plus ou de moins catholiques, il n'y a que des catholiques. Point. (Voir mon post sur la question s'inspirant de Benoît XV, voir aussi son encyclique Ad beatissimum où il enseigne :

« La Foi catholique est d'une nature telle, qu'on ne peut rien lui ajouter, rien lui retrancher: ou on la possède tout entière, ou on ne la possède pas du tout : Haec est fides catholica, quam nisi quisque fideliter firmiterque crediderit, salvus esse non poterit. (28) Il n'est pas besoin de qualificatifs pour signifier la profession du catholicisme; à chacun il suffit de dire: Christianus mihi nomen, catholicus cognomen. » 

("Chrétien est mon nom, catholique mon prénom" (saint Augustin)


J'ai publié sur mon blog, un texte de Proust publié dans le Figaro de 1904 qui prouve que Proust était catholique pratiquant et même militant, exposant ses idées sur la liturgie et l'agencement des églises, la signification de la messe, ses méditations sur la Bible etc.

En définitive, l'expression "Proust catholique" exclut Proust des catholiques.  Or personne n'a le droit de nier une foi aussi publiquement et clairement affirmée que celle de Proust.

Voici d'ailleurs la suite de l'article de Proust intitulé "La mort des cathédrales" (les phrases entre crochets sont de moi ; elles sont destinées à situer les personnes dont parle Proust puisqu'il s'agit d'un article publié pour contester le projet de loi qui allait aboutir à la loi du 9 décembre 1905 de Séparation des Églises et de l'État) :

Voilà ce qu'on dirait si la religion catholique n'existait plus et si des savants étaient parvenus à retrouver ses rites, si des artistes avaient essayé de les ressusciter pour nous. Mais précisément elle existe encore et n'a pour ainsi dire pas changé depuis le grand siècle où les cathédrales furent construites. Nous n'avons pas besoin pour nous imaginer ce qu'était, vivante et dans le plein exercice de ses fonctions sublimes, une cathédrale du treizième siècle, d'en faire comme du théâtre d'Orange, le cadre de reconstitutions, de rétrospectives, exactes peut-être, mais glacées. Nous n'avons qu'à entrer à n'importe quelle heure du jour où se célèbre un office. La mimique, la psalmodie et le chant ne sont pas confiés ici à des artistes sans « conviction ». Ce sont les ministres mêmes du culte qui officient, non dans une pensée d'esthétique, mais par foi, et d'autant plus esthétiquement. Les figurants ne pourraient être souhaités plus vivants et plus sincères, puisque c'est le peuple qui prend la peine de figurer pour nous, sans s'en douter. On peut dire que grâce à la persistance dans l'Eglise catholique des mêmes rites et, d'autre part, de la croyance catholique dans le cœur des Français, les cathédrales ne sont pas seulement les plus beaux monuments de notre art, mais les seuls qui vivent encore leur vie intégrale, qui soient restés en rapport avec le but pour lequel ils furent construits. Or, la rupture du gouvernement français avec Rome semble rendre prochaine la mise en discussion et probable l'adoption d'un projet de M.Briand (1) aux termes duquel, au bout de cinq ans, les églises pourront être, et seront souvent désaffectées; le gouvernement non seulement ne subventionnera plus la célébration des cérémonies rituelles dans les églises, mais pourra les transformer en tout ce qui lui plaira musée, salle de conférence ou casino. O vous monsieur André Hallays, qui allez répétant que la vie se retire des œuvres d'art, dès qu'elles ne servent plus aux fins qui présidèrent à leur création, qu'un meuble qui devient un bibelot et un palais qui devient un musée' se glacent, ne peuvent plus parler à notre cœur, et finissent par mourir, j'espère que vous allez cesser pour un moment de dénoncer les restaurations plus ou moins maladroites qui menacent chaque jour les villes de France que vous avez prises sous votre garde, et que vous allez vous lever, donner de la voix, harceler, s'il le faut, M. Chaumié [alors ministre de l’Instruction publique et des beaux-arts], mettre en cause, au besoin, M. de Monzie[alors chef de cabinet du ministre de l’Instruction publique], rallier M. John Labusquière [médecin et journaliste d’extrême-gauche, ancien conseiller municipal de Paris], réunir la Commission des monuments historiques. Votre zèle ingénieux fut souvent efficace, vous n'allez pas laisser mourir d'un seul coup toutes les églises de France. Il n'y à pas aujourd'hui de socialiste ayant du goût qui ne déplore les mutilations que la Révolution a infligées à nos cathédrales, tant de statues, tant de vitraux -brisés. Eh bien, il vaut mieux dévaster une église que de la désaffecter. Tant qu'on y célèbre la messe, si mutilée qu'elle soit, elle garde au moins un peu de vie. Du jour où elle est désaffectée elle est morte, et même si elle est protégée comme monument historique d'affectations scandaleuses, ce n'est plus qu'un musée. On peut dire aux églises ce que Jésus disait à ses disciples « Excepté si l'on continue à manger la chair du fils de l'homme et à boire son sang, il n'y a plus de vie en vous » (Saint-Jean, VI, 55), ces paroles un peu mystérieuses mais si profondes du Sauveur devenant, dans cette acception nouvelle, un axiome d'esthétique et d'architecture. Quand le sacrifice de la chair et du sang du Christ, le sacrifice de la messe, ne sera plus célébré dans les églises, il n'y aura plus de vie en elles. La liturgie catholique ne fait qu'un avec l'architecture et la sculpture de nos cathédrales, car les unes comme l'autre dérivent d'un même symbolisme. On sait qu'il n'y a guère dans les cathédrales de sculpture, si secondaire qu'elle paraisse, qui n'ait sa valeur symbolique. Si, au porche occidental de la cathédrale d'Amiens, la statue du Christ s'élève sur un socle orné de roses, de lis et de vigne, c'est que le Christ a dit « Je suis la rose de Saron. Je suis le lis de la vallée. Je suis la vigne véritable. » Si sous ses pieds sont sculptés l'aspic et le basilic, le lion et le dragon, c'est à cause du verset du psaume XC Inculcabis super aspidem et leonem. À sa gauche, est représenté, dans un petit bas-relief, un homme qui laisse tomber son épée à la vue d'un animal, tandis qu'à côté de lui un oiseau continue de chanter. C'est que « le poltron n'a pas le courage d'une grive » et que ce bas-relief a pour mission de symboliser, en effet, la lâcheté, comme opposée au courage, parue. qu'il est placé sous la statue qui est toujours (du moins dans les premiers temps) à la gauche de la statue du Christ, la statue de saint Pierre, l'apôtre du courage. Et ainsi des, milliers de figures qui décorent la cathédrale.
 Or les cérémonies du culte participent au même symbolisme. Dans un livre admirable auquel je voudrais avoir un jour l'occasion de rendre un entier hommage, M. Emile Male analyse ainsi, d'après le Rational des divins offices, de Guillaume Durand, la première partie de la fête du samedi saint. «Dès le matin, on commence par éteindre dans l'église toutes les lampes, pour marquer que l'ancienne Loi, qui éclairait le monde, est désormais abrogée.
Puis le célébrant bénit le feu nouveau, figure de la Loi nouvelle. Il la fait jaillir du silex, pour rappeler que Jésus-Christ est, comme le dit saint Paul, la pierre angulaire du monde. Alors, l'évêque et le diacre se dirigent vers le chœur et s'arrêtent devant le cierge pascal. Ce cierge, nous apprend Guillaume Durand, est un triple symbole. Eteint, il symbolise à la fois la colonne obscure qui guidait les Hébreux pendant le jour, l'ancienne Loi et le corps de Jésus-Christ. Allumé, il signifie la colonne de lumière qu'Israël voyait pendant la nuit, la Loi nouvelle et le corps glorieux de Jésus-Christ ressuscité. Le diacre fait allusion à ce triple symbolisme en récitant, devant le cierge, la formule de l’Exultet.
 Mais il insiste surtout sur la ressemblance du cierge et du corps de Jésus-Christ. Il rappelle que la cire immaculée a été produite par l'abeille, à la fois chaste et féconde comme la Vierge qui a mis au monde le Sauveur. Pour rendre sensible aux yeux la similitude de la cire et du corps divin, il' enfonce dans le cierge cinq grains d'encens qui rappellent à la fois les cinq plaies de Jésus-Christ et les parfums achetés par les Saintes Femmes pour l'embaumer. Enfin, il allume le cierge avec le feu nouveau, et, dans toute l'église, on rallume les lampes, pour représenter la diffusion de la nouvelle Loi dans le monde.
 Mais ceci, dira-t-on, n'est qu'une fête exceptionnelle. Voici l'interprétation d'une cérémonie quotidienne, la messe, qui, vous allez le voir, n'est pas moins symbolique. «Le chant grave et triste de l'Introït ouvre la cérémonie il affirme l'attente des patriarches et des prophètes. Le chœur des clercs est le chœur même des saints de l'ancienne Loi, qui soupirent après la venue du Messie, qu'ils ne doivent point voir. L'évêque entre alors et il apparaît comme la vivante image de Jésus-Christ. Son arrivée symbolise l'avènement du Sauveur, attendu par les nations. Dans les grandes fêtes, on porte devant lui, sept flambeaux pour appeler que, suivant la parole du prophète, les sept dons du Saint-Esprit se reposent sur la tête du fils de Dieu. Il s'avance, sous un dais triomphal dont, les quatre porteurs peuvent se comparer aux quatre évangélistes. Deux acolytes marchent à sa droite et à sa gauche et figurent Moïse et Élie, qui se montrèrent sur le Thabor aux côtés de Jésus-Christ. Ils nous enseignent que Jésus avait pour lui l'autorité de la Loi et l'autorité des prophètes.


(1)   Je dis projet Briand pour simplifier, les dispositions qui effrayent étant communes aux différents projets. Mais naturellement le projet Briand est beaucoup moins mauvais que les autres, étant l'œuvre d'un esprit sectaire, sans doute, mais, par certains côtés, tout à fait supérieur. M. Briand, s'il ne la connaît pas, devrait bien lire une conférence de M. Charles Gide sur la séparation, conférence que le Bulletin de l'Action pour l'union morale a publiée. M. Gide n'envisage le problème qu'au point de vue économique. Mais ces quelques pages sont ce qui a été écrit de plus profond sur ce sujet,
» (à suivre)


J'en continuerais la publication si cela intéresse mes lecteurs.

Mais ces seules phrases démontrent que non seulement Proust était catholique pratiquant, mais un théologien et liturgiste catholique à ses heures. Que d'émotions de lire ces lignes si profondes et si claires de ce militant de la culture catholique et française qui ne devinait certainement pas, le malheureux, que le "mouvement liturgique" né en Allemagne contemporainement de son article allait massacrer la culture religieuse dont il vivait !

Il est providentiel que cet article me revienne en mémoire au moment où le cardinal archevêque de Paris semble vouloir interdire à certains (mon post sur le discours du cardinal), certaines opinions en raison de leurs mœurs. Oui, Proust avait le malheur d'être homosexuel (Dieu seul sait sa responsabilité, nous n'avons pas à juger, même lui ne pouvait pas juger), mais ces lignes sincères ne peuvent pour autant faire douter de la foi de cet immense artiste.

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