9.7.15

Histoire du droit : divergences avec monsieur Reynouard



Selon moi, monsieur Reynouard, du point de vue de l'histoire du droit fait une erreur sur la provocation aux délits et aux crimes et de leurs répressions dans la loi du 28 juillet 1881.

L'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 dans sa version originaire punissait toute provocation au crime ou délit, à condition, pour les délits, qu'ils aient été suivis de la commission du délit, pour les crimes qu'ils aient été suivis de la commission ou, selon les cas, de la tentative de perpétration du crime.

Il suffisait de publier "cassez la gueule aux paysans", "cassez les vitres des catholiques" ou "escroquez les juifs" ou "escroquez les curés" pour risquer la condamnation, si ces provocations étaient suivies d'effets. Car l'infraction n'était constituée que si elle avait été suivie d'un délit effectif dans le cas de provocation au délit.

En revanche une simple tentative (et a fortiori de la perpétration) dans le cas de certaines catégories de crimes était suivante (alors que pour les délits la commission était toujours nécessaire).

Enfin pour une autre catégorie de crimes la simple provocation, même non suivie d'effet était incriminée. Il n'était donc pas nécessaire d'inciter à tuer tel rabbin ou tel prêtre. Il suffisait qu'il y ait eu provocation, même générale.  Par exemple, la provocation à l'assassinat était toujours répréhensible même si elle n'était suivie d'aucun effet.

La liste de ces crimes dont la provocation était incriminée, même si la provocation n'était suivie d'aucun effet, était donnée à l'article 24 (meurtre, pillage, incendie, sûreté de l'État et toutes les infractions prévues par les articles 75 à 101 du code pénal). Donc il était interdit de publier "mort aux juifs" ou "mort au curés". Même si cela avait pu se pratiquer impunément en violant la loi par défaut de poursuites. Ce qui est une question événementielle et non d'histoire des institutions.

J'ai trouvé une jurisprudence qui infirme l'opinion de monsieur Reynouard.

Dans l'édition 1986-1987 du Code pénal Dalloz que je possède, je lis qu'il y a provocation au crime dans le fait d'exciter publiquement les Français, dans le cas où ils seraient mobilisés "à se servir de leurs armes contre leurs chefs". Bref, en cas de guerre, les soldats du contingents étaient provoqués à utiliser leurs armes contre leurs officiers. Bien que le conseil ainsi donné ait seulement été ait  seulement éventuel et subordonné à une circonstance hypothétique l'infraction fut jugée constituée. (Cass. Crim. 25 mars 1921 Dalloz périodique 1921 1, 182). Lu sous l'article 24 de la loi de 1881.

La provocation au meurtre pouvait donc concerner certaines catégories humaines sans nécessairement désigner un individu déterminé.


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