20.9.09

Des "progressistes" aux "intégristes" les catholiques tous unis dans le mépris de la liberté religieuse.

Lu sur le "Forum catholique" une résumé d'un article paru dans la revue "Les études", revue officielle des jésuites. Cet article porte sur l'"intégrisme.

La thèse, très rebattue, de cet article est que les "intégristes" ne sont que des hypocrites, car ils cachent des desseins politiques sous des dehors religieux. Ils s'inspireraient de Maurras "contre Maritain" (1). La revendication de la messe en latin, sous la forme promulguée par saint Pie V ne serait qu'un prétexte. Notons le caractère absurde du raisonnement qui affirme que la défense de la messe de saint Pie V est politique, sans que l'on comprenne très bien pourquoi ces gens défendraient un rite en faveur d'une politique (à moins de prétendre que saint Pie V était maurrassien). De plus ce raisonnement sous couvert de description est en réalité une accusation d'hypocrisie.

Il est difficilement qualifiable de faire croire que des centaines de milliers de "lefbvristes" ne seraient que des hypocrites, se forçant à la prière et à la messe pour des motifs politiques. La hauteur de vue, le respect des hommes ne sont pas le fort de ce jésuite. Il écrit en idéologue pour lequel seules les idées comptent, sans souci de la réalité, même manifeste.

La réalité est toute autre bien évidemment. Le lefebvrisme n'est pas tributaire de Maurras. Schématiquement le lefebvrisme est tributaire d'une lecture hâtive des textes antérieurs au Concile Vatican II et d'une lecture hâtive des textes de Vatican II, en particulier de "Dignitatis humanae". Il est aussi tributaire de l'inculture, en particulier juridique, de ses partisans et de ses adversaires.

Lorsque Paul VI et à sa suite les évêques vont tenter d'interdire la messe en latin, ils vont le faire sans titre (juridique). Avant saint Pie V, le Saint Siège n'avait édité aucun missel, chaque diocèse avait son missel et son rite. Lorsque saint Pie V édite un missel, il le rend obligatoire dans certains cas et pour certaines personnes (catholiques latins, n'ayant pas de rite en vigueur depuis plus de deux cents ans etc.), mais surtout il l'autorise. Et l'autorise pourquoi ? Parce que ce missel n'a rien contre la foi ou les moeurs. Et puis c'est tout. C'est pourquoi et il précise, dans Quo primum qu'aucun des usagers de son missel ne pourra jamais avoir de scrupule de conscience à l'utiliser.

Or la compétence juridique du pape sur les prières des catholiques ne porte que sur les matières de moeurs ou de foi. Un pape ne peut pas imposer des prières pour des raisons d'opportunité. Il peut seulement interdire des prières contraires à la foi ou aux moeurs ou suspectes de l'être. Si saint Pie V avait interdit les rites récents à son époque, c'est qu'ils y avait un risque de diffusion par ces rites de l'hérésie niant la transsubstantiation. Mais en toute occasion le pape et les évêques doivent respecter la liberté religieuse (Dignitatis humanae), droit inhérant à la personne humaine et donc antérieur à l'Eglise.

Benoît XVI s'est aperçu (mais il ne doit pas être le seul au Vatican) qu'il était impossible d'interdire le missel de saint Pie V pour quelques motifs que ce soient, surtout si ces motifs étaient purement disciplinaires. (2)

Ainsi en violant la liberté religieuse des catholiques le pape Paul VI et les évêques de l'époque (et même d'aujourd'hui) ont fourni involontairement un titre à la résistance lefebvriste laquelle était parfaitement fondée à invoquer la... liberté religieuse. Mais comme par ailleurs les mêmes lefebvristes condamnaient la liberté religieuse, cela ajoutait à la confusion.

En effet, pour bien juger du cas gardons à l'esprit que les lefebvristes sont des êtres humains, qui ont donc gravé dans leur coeur le droit naturel et donc la liberté religieuse, ce qui leur faisait voir que leurs droits étaient violés par Paul VI et confortait, à juste titre, le sentiment qu'ils étaient victimes d'une injustice. Ainsi la confusion est totale : ceux qui se proclament défenseurs de la liberté religieuse la violent et ceux qui la condamnent sont victimes de sa violation par le Saint Siège et les évéchés.

Le piquant de cette affaire, c'est que les progressistes et les lefbvristes communient, les premiers en pratique, les seconds en "doctrine" et en pratique dans l'irrespect de la liberté religieuse, droit naturel inhérant à la personne humaine, serait-elle catholique.

(1) La Fraternité saint Pie X répand les oeuvres philosophiques de Maritain (Eléments de philosophie), mais rien ne résiste à l'idéologie, même et surtout pas les faits. Mais il est vrai qu'elle condamne les droits de l'homme et surtout le droit de l'homme à la liberté religieuse, à la suite notamment du cardinal Antoniani (ex-théoricien de la "tolérance" religieuse), cardinal qui n'avait rien d'un maurrassien.

(2) Alors dans son Motu proprio de juillet 2007, il va inventer que la messe de Paul VI a été partout acceptée volontiers. Affirmation contestable puisque en réalité "on" n'a rien demandé aux fidèles et que des millions de catholiques (y compris des prêtres et des évêques) ne vont l'accepter qu'à contre-coeur sous les menaces et les injures des médias, et les objurgations de Paul VI invoquant faussement le Concile (qui condamnait justement ses prétentions !). Beaucoup assénaient même : "schismatiques", vous irez en enfer !". En affirmant cette acceptation Benoît XVI pense se procurer un titre à interdire la messe de saint Pie V comme messe paroissiale restreignant ainsi la liberté des catholiques. Le pape invoque ce titre juridique curieux : "Il faut bien que les clercs suivent, puisqu'ils sont leurs chefs." Il crée ainsi un dangereux précédent pour le droit disciplinaire de l'Eglise, introduisant un motif démocratique limitant la liberté de l'évêque et celle du prêtre.

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